Sensibilisation sur la culture spirituelle et de la médecine traditionnelle, Le cri de la dénonciation chez Henri DJOMBO dans « Gahi ou l’affaire de l’autochtone »
Par Elvis Brunell NATOU Musicologue (Université Marien Ngouabi) elvis.natou@gmail.com
Ici Henri nous fait découvrir la culture du mysticisme de l’humanité Africaine en général et Congolaise en particulier. C’est une culture que l’on trouve chez les Bantou et chez les autochtones. Pour le cas de celui chez les Bantou, Henri nous les fait savoir à travers le questionnement de Joseph NIAMO. Nous pouvons nous référer à ce paragraphe : « Au port de Motouba, une foule nombreuse et enthousiaste était rassemblée pour accueillir les maîtres d’école. La population avait été informée de leur arrivée. Pourtant il n’y avait ni bureau de poste ni télégraphe. Comment avait-elle pu en être mise au courant ? » (p.15). Et l’Auteur a porté une sorte de précision sur la peuplade qui de nos jours reste plus enraciner à cette culture : les autochtones. Et il le fait savoir à partir de cette phrase de GAHI : « — J’habite derrière le village, réponditelle. Là-bas, nous entendons tout. — C’est étrange tout cela, continua à s’étonner Joseph. C’est bizarre » (p.31). Pour mieux relater ce côté stipulant le mystère des autochtones, nous allons nous focaliser sur la spiritualité chez Gahi. En effet, dans la société du village Mondo, la constatation du pouvoir spirituel chez GAHI est sans pareil dans la mesure où, elle n’acceptait pas la tradition du mariage d’une part, et on disait d’elle qu’elle serait tantôt comme un homme, tantôt comme une sirène des forêts. Ces commérages se fondaient sur ses aptitudes exceptionnelles, qui la distinguaient des filles de son âge (p.29). Bien que plongé dans un style romanesque de tradition occidentale, Henri n’a pas manqué de sensibiliser au sujet de la tradition et de la spiritualité des populations rurales autochtones pour donner à son œuvre, son identité Africaine. Dans sa distinction (Gahi), on retient que : « Ses songes étaient toujours prémonitoires. Sa connaissance des plantes médicinales s’enrichissait au jour le jour et les talents de guérisseuse ne cessaient de se développer. Au fur et à mesure, on se désintéressait d’elle. On la prenait, en milieu aka, pour une sorcière. — Je savais que j’allais vous rencontrer, dit-elle, j’avais déjà une idée claire de la personne qui viendrait me chercher. Depuis des années, j’attendais ce moment. — Es-tu sûre qu’il s’agit de moi ? demanda Joseph, dubitatif. — Oui, le destin ne ment pas, affirma Gahi. Je rends grâce au Bon Dieu et aux ancêtres, finit-elle en se signant » (p.30). La question du pouvoir spirituel est mise en lumière, partant donc du pouvoir de la nature sur les hommes à travers les plantes. Mais il ne s’est pas arrêté par-là. Il est allé jusqu’à l’art du pouvoir de l’invisibilité. Notre Auteur nous fait remarquer dans la culture rurale chez les autochtones, le pouvoir de la médecine traditionnelle. Il nous rapporte les faits dans un scénario d’un chasseur blessé : « Les guérisseurs entouraient l’infortuné chasseur. À coups d’incantations et à force de lui administrer des décoctions à base de feuilles, de le masser avec des huiles et des poudres végétales, il avait recouvré sa santé au bout de deux jours. Aucune cicatrice n’avait marqué son corps » (p.91).
Nous pouvons constater l’expérimentation de ce pouvoir dans les phrases suivantes : « Peut-être à cause de la feuille qu’il avait placée sous sa langue. Selon les on-dit, ce talisman assurait l’invisibilité face au danger, aux attaques ou aux réactions d’animaux féroces et éloignait les serpents. Avant que la partie de chasse ne commence, on procédait au rituel approprié. Le butin serait abondant et les chasseurs protégés du danger » (p.89). Nous pouvons également citer les phrases suivantes : « — Ils ont agi comme il le leur a demandé, répondit Gahi. De notre côté, nous avons défait les pièges. — Vous avez annulé leurs maléfices ? demanda Joseph (p.33). Personne n’était jamais mort du poison des flèches. Les morsures de serpent et de scorpion n’eurent pas d’effet » (p.55).
Le pouvoir spirituel de Gahi contrôlait la situation qui se présentait à elle. On va constater que les consignes du chef avaient été détournées, plus rien ne lierait le Niamo à Marie. La preuve en était que le Chef du Village oubliait toujours de convoquer le prétendu fiancé de sa fille et ne savait plus à quels féticheurs il avait confié la mission d’enfermer son esprit. Le chef était embarrassé (p.40).
Et il se met à s’interroger : — Pourquoi nos guerriers n’esquivent-ils pas les flèches et pourquoi se laissent-ils transpercer comme des perdrix ? Pourquoi ne rapportent-ils pas de trophées, des têtes d’Akas, par exemple, brandies au bout de leurs sabres ? Pourquoi la troupe n’arrive-t-elle pas à traquer l’ennemi jusqu’à son dernier retranchement ? Pourquoi ne le fait-elle pas capituler ? Et pourquoi nos combattants battent-ils toujours en retraite ? Pourquoi… ? Ils ne se sont pas battus pour défendre dignement les Bantous. Ils se sont comportés comme des poules mouillées. Ils doivent se reprendre et retourner là-bas, au combat ! — En forêt ? demanda un élément de la troupe. — Oui, en forêt, où d’autre ? rétorqua le chef Tama. J’ai dit là-bas ! (p.56).
Henri a montré à travers son œuvre le pouvoir irréversible de la spiritualité ancestrale vis à vis de la manigance de l’Homme ou d’un politique. Il s’agit ici de la victoire du pouvoir du mensonge face à la spiritualité ou encore au pouvoir du destin.
Les collaborateurs du chef Tama étaient tous arrivés. Ils étaient installés dans un salon converti en salle de réunions. Ils avaient attendu en silence. On ne parlait pas en ces lieux quand le propriétaire en était absent. Enfin, on fit entrer le directeur. Aussitôt, le chef se présenta. Arrivé en retard à la réunion, Tama ne se crut pas obligé de s’excuser devant ses administrés. Ce n’était rien, il était répandu que « le chef n’est jamais en retard, mais qu’il est pris ». À quoi serviraient les préalables qui enfonceraient ou condamneraient le représentant légitime de l’État qu’il était ? (p.42).
Au temps opportun de toute société, le pouvoir du mysticisme coalise avec le mystère de la nature et donc de la forêt pour le cas échéant, pour la justice de l’ère liée à l’espace. Tout évolue en fonction du temps. Lorsque la fin du temps du désordre s’annonce, les enjeux de l’ère s’imposeront et le mystère de la spiritualité aura l’effet sur le pouvoir macabre. On n’est pas surpris que l’auteur l’exprime en ces termes : Tout à coup, un milicien reçut, comme une piqûre de moustique, une flèche au bras. Il la retira bravement et cracha dessus en marmonnant des incantations désordonnées. Un autre connut le même sort. Ces hommes se grattaient comme si leur peau était envahie de puces. Leur figure s’enfla subitement. Leur corps devint flasque. Les campagnes se soldaient de la même façon et ne connaissaient pas de succès. La troupe ne pouvait toujours pas pénétrer plus loin dans la forêt dense, compacte, sombre et truffée d’épines et de flèches mortelles (p.53). Et même le chef Tama ne contrôle plus rien parce qu’il ne comprend plus. L’effet du mystère de l’homme de la forêt paraît très efficace face aux armes sophistiquées de ses troupes. Par conséquent, il y a un temps pour toute chose et la fin de toute ère est toujours marquée par un combat s’opposant la vérité de l’ère nouvelle face aux mensonges de l’ère obsolète. C’est ce combat qui présente la moisson d’un pouvoir aux abois. L’auteur nous le fait découvrir de la manière suivante : Les témoignages affluèrent. Même Marie, la fille du chef, sur qui l’on fit peser la responsabilité de la guerre, dit toute la vérité qui condamnait son père. Tama était fou de rage. Il prit la parole : — Messieurs les enquêteurs, je ne mens jamais ! Ces traîtres veulent ma place, ils ne l’auront pas ! C’est une honte que d’avoir détourné l’esprit d’une pauvre fille, celui de ma propre fille, et d’avoir mis dans sa bouche des paroles diaboliques. Je vengerai ce crime (p.56). Henri NDJOMBO nous montre qu’un pouvoir ayant agi contrairement à la volonté de son peuple a pour moisson la « huée » et la « chute » : La huée s’éleva alors de la foule, assourdissante, s’accompagnant d’insultes et n’en finissant pas. (p.57).