Le cri de la dénonciation chez Henri DJOMBO dans « Gahi ou l’affaire de l’autochtone » Par Elvis Brunell NATOU Musicologue (Université Marien Ngouabi) elvis.natou@gmail.com
Résumé
L’œuvre d’un écrivain Africain nous emmène très souvent dans un contexte culturel tantôt ambiguë tantôt ambivalente. L’ambigüité se remarquerait dans la considération de l’œuvre dans une vision interculturelle où son interprétation se trouve confrontée à des principes scientifiques définissant ainsi le style de l’œuvre. Tandis que l’ambivalence serait une sorte de qualité expressive de la dimension culturelle qui associerait l’intelligence et la sagesse africaines dans l’expression de l’œuvre vis-à-vis de la société et de sa culture ou dans la dénonciation des faits culturels de la société. De façon générale, le cri est une expression qui, d’une part exprime le souci, la difficulté, l’accident ou dénonce la terreur, et d’autre part, exprime l’émotion, la joie, ou la satisfaction. La question centrale de cette étude interroge l’objet de la présence du fait musical dans la dénonciation de Henri. De ce questionnement jaillit l’hypothèse que cet écrivain a fait usage de l‘art oratoire qui, d’un scenario à un autre évoque le fait musical, pour faire sa dénonciation. C’est un cri qui revient dans son œuvre dans des proportions culturelles très variables et remarquables. Il en fait l’objet d’un livre et un emploi métaphorique divers. L’objet de cette étude nous emmène à montrer l’usage des habitudes de la culture traditionnelle dans l’expression d’un cadre, notable ou sage Africain. Notre démarche se fonde sur l’observation des faits de la dénonciation du cri d’une part et la manière de sa dénonciation d’autre part.
Mots clés : Cri, dénonciation, musique, culture, tradition
Introduction
M. Henri DJOMBO a édité et publié le livre Gahi ou affaire de l’autochtone le 15 Février 2022. C’est un Roman écrit dans un style assez classique dans la mesure où, il y fait participer trois personnages principaux : Joseph NIAMO (dans le rôle de l’enseignant), Gahi (dans le rôle de la jeune femme autochtone) et du chef Tama (dans le rôle du chef de village). Il a choisi l’espace dans lequel doit se dérouler le récit : « le village Motouba ». L’objet de notre implication dans l’étude de cette œuvre consiste à mettre en lumière l’usage des faits musicaux dans le style littéraire romanesque en présentant la manière dont l’auteur en a fait l’emploi. C’est pourquoi la question centrale de notre réflexion est formulée ainsi qu’il suit : dans quel contexte culturel l’auteur fait intervenir d’une part, les faits culturels traditionnels dans son œuvre et d’autre part les faits musicaux ? Une deuxième intervient et formulée comme suit : pourquoi Henri DJOMBO a fait intervenir dans sa littérature les faits culturels traditionnels ? C’est donc à partir de ces deux interrogations que va s’articuler toute l’ensemble de notre réflexion. En effet, selon notre entendement, ce livre se résumerait à l’expression d’un « cri dénonciateur et sensibilisateur émis par l’auteur ». Et cette réflexion se fonde sur deux hypothèses dont la première est celle qui nous emmène à admettre que Henri DJOMBO aurait fait intervenir dans son œuvre, les faits culturels traditionnels dans le contexte de la dénonciation et la sensibilisation des problèmes socioculturels de la société congolaise ; et la deuxième hypothèse vient soutenir l’idée que, Henri aurait fait usage d’un minimum d’orature pour donner à son œuvre, l’identité littéraire Africaine en général et Congolaise en particulier. C’est pour autant dire que de ce travail, les participants retiendront que la littérature n’a pas de sexe ou de couleur physique pour déterminer sa race ou son espèce mais plutôt la littérature désigne le continent, le pays, la région, la ville, … de son Auteur à travers les éléments de cultures qui l’ornent. Et ces éléments s’introduisent à partir d’un contexte qui entrerait dans la définition du cadre de la production du récit. Afin de réussir à mettre en lumière les points essentiels de nos observations, nous avons divisée en trois parties notre communication : la première partie s’intitule « le cri de la dénonciation », c’est la partie qui nous décrit le pourquoi de ce livre ; la deuxième partie est intitulée « la sensibilisation sur la culture spirituel et traditionnel, compris comme partie qui définit l’identité africaine de l’œuvre d’un pouvoir métaphysique ; et la troisième partie est intitulée « sensibilisation sur l’impact des faits culturels, cas du fait musical ». Cette partie est celle qui nous définit la présence du fait musical dans l’œuvre Gahi ou l’affaire de l’autochtone.
1. Le cri de la dénonciation
Henri DJOMBO dans son cri dénonce le tribalisme, la mauvaise gestion, le trafic d’influence, au moyen de son intellectualité et pourtant, un vétéran Homme d’état partisan d’un pouvoir que l’on qualifierait de semi-tribal et clanique. Il s’agit d’un pouvoir qui présente une stratification clanique selon laquelle, appartenir dans le clan dirigeant est synonyme d’être dans la classe des seigneurs. C’est-à-dire, ceux à qui tout est permis ; ceux qui sont plus forts que les autres et au-dessus de la Loi ; ceux qui se prennent pour ceux qui représentent le Droit. Nous pouvons remarquer la dénonciation du tribalisme faite par Monsieur Henri NDJOMBO à travers le paragraphe suivant : Depuis la nuit des temps, les politiciens leur avaient inculqué l’idée selon laquelle ils étaient du nord et les autres du Sud du Congo, et que les deux origines étaient irréconciliables. Bien curieusement, les villages étaient eux aussi coupés en deux, en Nord et Sud, ou en Est et Ouest. Pourtant hameaux et villages se situaient soit au Nord, soit au Sud ou encore à l’Ouest de même qu’à l’Est du même pays. Le Nord avait son nord et le Sud son sud, l’Est son Est et l’Ouest son Ouest. On ignorait le centre, le point zéro, qui ne figurait pas parmi les points cardinaux (Cf. p.13). Pour juger la véracité de cette dénonciation faite par l’Auteur, il suffit de venir habiter à Brazzaville, on se rendra compte qu’elle est divisée en Brazzaville Nord pour les partisans du clan Ngala et de Brazzaville sud pour les partisans du clan Koongo et on oublie le clan Téké au centre pour exprimer ce point zéro. Pour tout dire, cette répartition définit finalement les origines des deux langues véhiculaires de l’espace congolais, adoptées comme langues nationales. La conséquence sociétale fait que Brazzaville-nord soit définie comme la partie de la ville où les langues véhiculaires sont d’origine Ngala, et de Brazzaville-sud, la partie où les langues véhiculaires sont d’origines Koongo. Mais retenons que dans ce paragraphe, Henri dénonce en effet, le principe hérité du colon : « diviser pour mieux régner ». Henri DJOMBO lance un cri sous forme d’un fond sonore musical d’un spectacle de compte ou de théâtre, au cours duquel, la mélancolie de la musique de ce fond importerait peu, face à la beauté esthétique des mots et à la rhétorique du discours bien réalisée, et pourtant ce fond sonore participe dans la construction du décor de cette beauté qui serait remarquée. Dans son cri se fait entendre l’écho de la dénonciation de la raison du plus fort, mais sans le faire remarquer de façon absolue. Nous remarquons que Henri débrief dans un style romanesque très emportant, le comportement des partisans d’un pouvoir dictatorial. Une dictature démesurée portée par des peuples qui se croiraient être les représentants de la race Divine. Une telle inspiration lui aurait traversé les méninges certainement parce qu’il appartient à une zone de l’Afrique où le partage du pouvoir, qui serait une pilule régulatrice de l’égo des uns et l’humilité des autres est d’une part, est absent. Mais il faut aussi le dire d’autre part que le fait d’avoir travaillé dans un système qui jouit d’un pouvoir sans partage lui aurait permis de constater l’altération de la mentalité des uns et des autres. Dans son cri de dénonciation, il n’oublie pas ce que le peuple de ce village incarnait comme valeur culturelle. C’est pourquoi nous pouvons lire à la page 14 ce qui suit : Ils croyaient toujours qu’un monde heureux était celui de justice et de paix. Mais les populations croisent ce que nous appelons par « le Pouvoir de l’opposé de la vérité » et « la loi de la force dans la parodie judiciaire ». Nous ne sommes pas obligés de consulter le droit coutumier congolais pour montrer combien le système judiciaire coutumier a perdu de nos jours son essence dans quasi toute l’étendue du territoire national. Dans le témoignage de beaucoup de citoyens resonne une sorte de divorce entre les populations et le système juridique placé à leur gouverne. Et donc Henri dans son cri de dénonciation nous décrit la manière dont cela est souvent vécu dans les villages du Congo Brazzaville dans un scénario d’un Chef de village visà-vis d’un Enseignant. — Mais je n’ai aucun lien avec votre fille ! répliqua le directeur. — Sale menteur ! dit le chef Tama en fulminant. Vous l’avez forcée à se rendre à votre domicile (Cf. p.44). L’Auteur a en effet mis en lumière la question de la dépravation et de la dégradation des mœurs anthropo-juridiques dans son pays comme nous pouvons le constater dans le paragraphe suivant : — Ah, vous ne pouvez pas répondre ! conclut le chef Tama. Qui ne dit mot consent, alors vous allez épouser Marie, finit-il en lui servant un large sourire, un sourire d’aigle (p.46). L’auteur montre que l’autoritarisme ne s’en soucie pas des populations, des écoliers, et non plus de la jeunesse. Il réduit plutôt l’avenir par le maintien ou la perte du pouvoir. On va constater que dans le cas des écoliers de Motouba, malgré des années sans l’école, le chef Tama ne s’en soucia pas de leur situation : Le lendemain, les maîtres se rendirent chez le chef pour plaider la cause de leur directeur. Tama refusa de leur ouvrir ses portes. Après cela, ils réunirent les élèves et leurs parents, leur expliquèrent la situation et la décision qu’ils venaient de prendre : ils allaient fermer l’école. Les enfants pleuraient à chaudes larmes (p.46). Pelotonné dans sa résidence, le chef ignorait que la cité était en berne et la vie des foyers se préparait à l’ébullition. À cause de ses réactions primitives, personne n’osait l’en informer. La population était rassemblée devant chez lui et exigeait à l’unisson la libération du directeur de l’école et la réouverture de l’établissement scolaire. Comme à ses habitudes, le chef Tama vitupéra (p.46). Alors que son commandant-major disait avoir étudié et établi d’ultimes plans qui allaient mettre fin à la guerre contre les Autochtones. On raserait les champs, les campements, les hameaux, afin qu’il n’existât plus d’espace pour eux. D’ailleurs, il les voyait déjà étalés en masse sur les places publiques, pourrir dans leurs refuges et flotter comme des tonneaux vides sur les rivières, nourrir les hyènes de leurs cadavres…(p.55). Sachant qu’il n’existe aucun pouvoir qui soit éternel, l’auteur le fait remarquer à travers une sorte de prophétie de la chute, de la fin de l’impunité et de désespoir de tout pouvoir aux abois. On peut le comprendre par ce récit : Il demanda à sa garde de tirer des coups de feu en l’air afin d’éparpiller les manifestants. Cela fait, ceux-ci s’éloignèrent. Ils continuèrent cependant d’occuper les rues et les carrefours. On avait l’impression que les habitants du village n’étaient plus les mêmes, ils étaient comme des zombies, comme des fantômes. Tama comprit que le rapport de forces n’était pas de son côté. Il invita les éléments de sa milice privée à la prudence. Originaire du village, le groupe armé appartenait aux familles concernées et ne voulait pas, à cet instant, commettre d’exactions sur les siens (p.47). Les participants à ce colloque comprendront que dans cette partie de la dénonciation, l’auteur montre que la chute se fera sentir lorsque la désobéissance se remarquera dans les rangs de ses milices, entretemps, l’autoritarisme continuera ou ne fera pas attention à ces réactions. L’auteur éclair sa pensée sur le déroulement de la chute : la nuit était avancée quand on jeta dans la hutte le corps inanimé du directeur. L’auteur dénonce le traitement cruel, inhumain et dégradant, bref, le non-respect des droits humains, en ces termes : Le dos, les mollets, le ventre et le thorax étaient lacérés par la chicote au poil d’hippopotame et couverts de blessures. Elles saignaient et brûlaient après l’effet du soleil et du piment, dépensés sur son corps. Les entraves lui cisaillaient les poignets et les chevilles, elles le clouaient au sol dans une position insoutenable (p.47). La dénonciation du déroulement de la chute présentée par l’auteur est très explicite dans la mesure où elle touche le côté de la force qui constitue tant bien que mal le foyer du pouvoir de Tama. L’Auteur y fait état d’un désespoir annonciateur de la chute d’une part et de la rage de l’autoritarisme d’autre part : « Peu à peu, les réserves de combattants s’épuisaient. Le doute s’installait, les pensées tournaient sans issue. Les désertions des rangs se faisaient nombreuses. Il devint impossible de recruter de nouvelles forces (p.54) ». L’auteur nous fait remarquer la rage qui très souvent anime un pouvoir aux abois. Ils n’ont pitié pour personne, ils manifestent leur colère sur le peuple. Ces comportements présagent la chute d’un pouvoir nous fait constater l’Auteur. En effet, peu importe les temps, supporter une réalité n’est pas synonyme d’en adopter comme une convenance. L’auteur l’exprime en ces termes : « Un sentiment de révolte anima les jeunes de Motouba. Se sentant de moins en moins sûr de lui, Tama résolut de recruter et d’armer des miliciens venus de lointains horizons. Munis de fusils de chasse, d’armes de guerre et de sabres d’acquisition illégale, ces mercenaires seraient sans pitié et tireraient sur tout ce qui bougerait. Ils tailleraient, pilleraient, violeraient et brûleraient ce qu’ils trouveraient sur leur chemin (p.51) ». Au temps opportun de toute société, le pouvoir du mysticisme coalise avec le mystère de la nature et donc de la forêt pour le cas échéant, pour la justice de l’ère liée à l’espace. Tout évolue en fonction du temps. Lorsque la fin du temps du désordre s’annonce, les enjeux de l’ère s’imposeront et le mystère de la spiritualité aura raison sur le pouvoir macabre. On n’est pas surpris que l’auteur l’exprime en ces termes : Tout à coup, un milicien reçut, comme une piqûre de moustique, une flèche au bras. Il la retira bravement et cracha dessus en marmonnant des incantations désordonnées. Un autre connut le même sort. Ces hommes se grattaient comme si leur peau était envahie de puces. Leur figure s’enfla subitement. Leur corps devint flasque. Les campagnes se soldaient de la même façon et ne connaissaient pas de succès. La troupe ne pouvait toujours pas pénétrer plus loin dans la forêt dense, compacte, sombre et truffée d’épines et de flèches mortelles (p.53). Et même le chef Tama ne contrôle plus rien parce qu’il ne comprend plus. L’effet du mystère de l’homme de la forêt paraît très efficace face aux armes sophistiquées des troupes de Tama. Par conséquent, il y a un temps pour toute chose et la fin de toute ère est toujours marquée par un combat s’opposant la vérité de l’ère nouvelle, face aux mensonges de l’ère obsolète. Dans cette situation, même les plus fidèles alliés deviennent des traitres : Même Marie, la fille du chef, sur qui l’on fit peser la responsabilité de la guerre, dit toute la vérité qui condamnait son père. Tama était fou de rage. Il prit la parole : — Messieurs les enquêteurs, je ne mens jamais ! Ces traîtres veulent ma place, ils ne l’auront pas ! C’est une honte que d’avoir détourné l’esprit d’une pauvre fille, celui de ma propre fille, et d’avoir mis dans sa bouche des paroles diaboliques. Je vengerai ce crime (p.56). Henri DJOMBO nous montre qu’un pouvoir ayant agi contrairement à la volonté de son peuple a pour moisson la « huée », donc la honte et la « chute » (p.57). L’Auteur nous a fait l’honneur de constater que dans un milieu où la tradition anthropo-juridique d’un peuple est à bas, le Sachant non aligné est un détracteur, un dérangeur, un malveillant, un contrevenant à l’idéologie de la gouvernance. L’Auteur illustre cela dans le scénario suivant : — Voilà ! conclut le chef. Ici, nous étions en paix, jusqu’au jour où ces écervelés sont arrivés. Ils ont pollué les mœurs, ça ne va pas continuer comme cela. Allez informer ces inciviques du sort de leur directeur afin qu’ils s’assagissent à leur tour. La séance est levée ! (p.46). Pour comprendre le degré de l’influence démesurée du politique africain en général et congolais en particulier, en guise d’exemple, nous relevons les propos suivants : — Quoi ? Vous prenez seulement acte de mes remarques ? Vous réduisez mes paroles en simples remarques ? Mais, où sommes-nous là ? Hein, monsieur Niamo ? Vous êtes impoli ! conclut le chef Tama (p.43). Et puis, c’est moi qui pose les questions, et non vous ! objecta le chef Tama (p.44). Tama dans son coup, sachant que c’est lui qui pose les questions et qui est le juge suprême et légal du Village, va vouloir faire croire à l’audience que Niamo a voulu violer sa fille. En effet, l’auteur a mis en lumière une habitude judiciaire de la société politique congolaise selon laquelle, pour toute affaire juridique, elle consiste à accuser une autre personne, tandis que les responsables sont dirigeants. Il faut le remarquer dans cette situation où Tama veut imposer à un enseignant de prendre en mariage sa fille Marie, en passant cet enseignant pour un contrevenant pour acte sexuel forcé : Vous l’avez forcée à se rendre à votre domicile. Heureusement qu’elle a hérité de la sagesse et de l’intelligence de son père ! Prudente, elle s’est fait accompagner d’un témoin, d’un grand témoin, du secrétaire du comité ici présent. Après lui avoir manqué de politesse et de galanterie, vous avez cru bon de faire amende honorable, en jurant tout bonnement de l’épouser, n’est-ce pas, monsieur Niamo ? Alors, quand allez-vous le faire ? grogna-t-il ‘p.44).
2. Sensibilisation sur la culture spirituelle et de la médecine traditionnelle
Ici Henri nous fait découvrir la culture du mysticisme de l’humanité Africaine en général et Congolaise en particulier. C’est une culture que l’on trouve chez les Bantou et chez les autochtones. Pour le cas de celui chez les Bantou, Henri nous les fait savoir à travers le questionnement de Joseph NIAMO. Nous pouvons nous référer à ce paragraphe : « Au port de Motouba, une foule nombreuse et enthousiaste était rassemblée pour accueillir les maîtres d’école. La population avait été informée de leur arrivée. Pourtant il n’y avait ni bureau de poste ni télégraphe. Comment avait-elle pu en être mise au courant ? » (p.15). Et l’Auteur a porté une sorte de précision sur la peuplade qui de nos jours reste plus enraciner à cette culture : les autochtones. Et il le fait savoir à partir de cette phrase de GAHI : « — J’habite derrière le village, réponditelle. Là-bas, nous entendons tout. — C’est étrange tout cela, continua à s’étonner Joseph. C’est bizarre » (p.31). Pour mieux relater ce côté stipulant le mystère des autochtones, nous allons nous focaliser sur la spiritualité chez Gahi. En effet, dans la société du village Mondo, la constatation du pouvoir spirituel chez GAHI est sans pareil dans la mesure où, elle n’acceptait pas la tradition du mariage d’une part, et on disait d’elle qu’elle serait tantôt comme un homme, tantôt comme une sirène des forêts. Ces commérages se fondaient sur ses aptitudes exceptionnelles, qui la distinguaient des filles de son âge (p.29). Bien que plongé dans un style romanesque de tradition occidentale, Henri n’a pas manqué de sensibiliser au sujet de la tradition et de la spiritualité des populations rurales autochtones pour donner à son œuvre, son identité Africaine. Dans sa distinction (Gahi), on retient que : « Ses songes étaient toujours prémonitoires. Sa connaissance des plantes médicinales s’enrichissait au jour le jour et les talents de guérisseuse ne cessaient de se développer. Au fur et à mesure, on se désintéressait d’elle. On la prenait, en milieu aka, pour une sorcière. — Je savais que j’allais vous rencontrer, dit-elle, j’avais déjà une idée claire de la personne qui viendrait me chercher. Depuis des années, j’attendais ce moment. — Es-tu sûre qu’il s’agit de moi ? demanda Joseph, dubitatif. — Oui, le destin ne ment pas, affirma Gahi. Je rends grâce au Bon Dieu et aux ancêtres, finit-elle en se signant » (p.30). La question du pouvoir spirituel est mise en lumière, partant donc du pouvoir de la nature sur les hommes à travers les plantes. Mais il ne s’est pas arrêté par-là. Il est allé jusqu’à l’art du pouvoir de l’invisibilité. Notre Auteur nous fait remarquer dans la culture rurale chez les autochtones, le pouvoir de la médecine traditionnelle. Il nous rapporte les faits dans un scénario d’un chasseur blessé : « Les guérisseurs entouraient l’infortuné chasseur. À coups d’incantations et à force de lui administrer des décoctions à base de feuilles, de le masser avec des huiles et des poudres végétales, il avait recouvré sa santé au bout de deux jours. Aucune cicatrice n’avait marqué son corps » (p.91).
Nous pouvons constater l’expérimentation de ce pouvoir dans les phrases suivantes : « Peut-être à cause de la feuille qu’il avait placée sous sa langue. Selon les on-dit, ce talisman assurait l’invisibilité face au danger, aux attaques ou aux réactions d’animaux féroces et éloignait les serpents. Avant que la partie de chasse ne commence, on procédait au rituel approprié. Le butin serait abondant et les chasseurs protégés du danger » (p.89). Nous pouvons également citer les phrases suivantes : « — Ils ont agi comme il le leur a demandé, répondit Gahi. De notre côté, nous avons défait les pièges. — Vous avez annulé leurs maléfices ? demanda Joseph (p.33). Personne n’était jamais mort du poison des flèches. Les morsures de serpent et de scorpion n’eurent pas d’effet » (p.55).
Le pouvoir spirituel de Gahi contrôlait la situation qui se présentait à elle. On va constater que les consignes du chef avaient été détournées, plus rien ne lierait le Niamo à Marie. La preuve en était que le Chef du Village oubliait toujours de convoquer le prétendu fiancé de sa fille et ne savait plus à quels féticheurs il avait confié la mission d’enfermer son esprit. Le chef était embarrassé (p.40).
Et il se met à s’interroger : — Pourquoi nos guerriers n’esquivent-ils pas les flèches et pourquoi se laissent-ils transpercer comme des perdrix ? Pourquoi ne rapportent-ils pas de trophées, des têtes d’Akas, par exemple, brandies au bout de leurs sabres ? Pourquoi la troupe n’arrive-t-elle pas à traquer l’ennemi jusqu’à son dernier retranchement ? Pourquoi ne le fait-elle pas capituler ? Et pourquoi nos combattants battent-ils toujours en retraite ? Pourquoi… ? Ils ne se sont pas battus pour défendre dignement les Bantous. Ils se sont comportés comme des poules mouillées. Ils doivent se reprendre et retourner là-bas, au combat ! — En forêt ? demanda un élément de la troupe. — Oui, en forêt, où d’autre ? rétorqua le chef Tama. J’ai dit là-bas ! (p.56).
Henri a montré à travers son œuvre le pouvoir irréversible de la spiritualité ancestrale vis à vis de la manigance de l’Homme ou d’un politique. Il s’agit ici de la victoire du pouvoir du mensonge face à la spiritualité ou encore au pouvoir du destin.
Les collaborateurs du chef Tama étaient tous arrivés. Ils étaient installés dans un salon converti en salle de réunions. Ils avaient attendu en silence. On ne parlait pas en ces lieux quand le propriétaire en était absent. Enfin, on fit entrer le directeur. Aussitôt, le chef se présenta. Arrivé en retard à la réunion, Tama ne se crut pas obligé de s’excuser devant ses administrés. Ce n’était rien, il était répandu que « le chef n’est jamais en retard, mais qu’il est pris ». À quoi serviraient les préalables qui enfonceraient ou condamneraient le représentant légitime de l’État qu’il était ? (p.42).
Au temps opportun de toute société, le pouvoir du mysticisme coalise avec le mystère de la nature et donc de la forêt pour le cas échéant, pour la justice de l’ère liée à l’espace. Tout évolue en fonction du temps. Lorsque la fin du temps du désordre s’annonce, les enjeux de l’ère s’imposeront et le mystère de la spiritualité aura l’effet sur le pouvoir macabre. On n’est pas surpris que l’auteur l’exprime en ces termes : Tout à coup, un milicien reçut, comme une piqûre de moustique, une flèche au bras. Il la retira bravement et cracha dessus en marmonnant des incantations désordonnées. Un autre connut le même sort. Ces hommes se grattaient comme si leur peau était envahie de puces. Leur figure s’enfla subitement. Leur corps devint flasque. Les campagnes se soldaient de la même façon et ne connaissaient pas de succès. La troupe ne pouvait toujours pas pénétrer plus loin dans la forêt dense, compacte, sombre et truffée d’épines et de flèches mortelles (p.53). Et même le chef Tama ne contrôle plus rien parce qu’il ne comprend plus. L’effet du mystère de l’homme de la forêt paraît très efficace face aux armes sophistiquées de ses troupes. Par conséquent, il y a un temps pour toute chose et la fin de toute ère est toujours marquée par un combat s’opposant la vérité de l’ère nouvelle face aux mensonges de l’ère obsolète. C’est ce combat qui présente la moisson d’un pouvoir aux abois. L’auteur nous le fait découvrir de la manière suivante : Les témoignages affluèrent. Même Marie, la fille du chef, sur qui l’on fit peser la responsabilité de la guerre, dit toute la vérité qui condamnait son père. Tama était fou de rage. Il prit la parole : — Messieurs les enquêteurs, je ne mens jamais ! Ces traîtres veulent ma place, ils ne l’auront pas ! C’est une honte que d’avoir détourné l’esprit d’une pauvre fille, celui de ma propre fille, et d’avoir mis dans sa bouche des paroles diaboliques. Je vengerai ce crime (p.56). Henri NDJOMBO nous montre qu’un pouvoir ayant agi contrairement à la volonté de son peuple a pour moisson la « huée » et la « chute » : La huée s’éleva alors de la foule, assourdissante, s’accompagnant d’insultes et n’en finissant pas. (p.57).
3. Sensibilisation sur l’impact des faits culturels : cas du fait musical
Le malheur s’acharna sur le jeune homme qui, par inadvertance, osa marcher sur les pieds de l’épouse du chef Tama. Il fut extrait des rangs des danseurs et emmené par les miliciens à une destination inconnue (p.21), alors qu’il s’agissait d’une cérémonie culturelle ou d’une exhibition des pas de danses en compagnie. L’Auteur a donc voulu nous présenter les comportements du politique Congolais face à la Culture. Il est tellement puissant qu’il est plus puissant que la Culture : il s’agit du « deni de la culture par le pouvoir de motuba ».
L’orature est présente dans l’œuvre de Henri DJOMBO à travers la chanson. On le sait bien qu’en afrique, chaque tribu ou ethnie a un dilecte et les habitudes chansonnelle qui les caractérisent. On peut les retrouver dans Gahi ou l’affaire de l’autochtone par le paragraphe suivant : L’embarcation s’immobilisa à une vingtaine de mètres de la berge. Un ballet de pirogues animées de chants et de danses tournoyait autour d’elle, avançant peu à peu pour l’accostage. À terre, deux jeunes filles portaient des jupes rouges en raphia par-dessus leur robe et des couronnes de nénuphars sur leurs têtes. Pendant que les élèves entonnaient un chant d’accueil et avaient formé une grande haie d’honneur, elles lui offrirent un bouquet de fleurs, à lui, le chef de la délégation (p.15).
En Afrique la pratique de l’orature se fait toujours accompagner soit d’u rituel ou soit d’une exhibition ou encore à l’occasion de la définition de quelque chose. Notre auteur n‘a pas dérogé à la règle pour définir le décor et le rituel d’accueil selon la tradition des populations du Congo en général mais surtout celles Motuba en particulier. On le remarque à partir du paragraphe suivant : Les arrivants saluèrent le chef du village et sa suite : l’infirmier, deux moniteurs d’école, le curé de la paroisse et les membres du comité du village qui lui tenaient compagnie. Suivis des chants dont les sonorités montaient de plus en plus haut, ils abordèrent la pente du port. Ils marchèrent sur des pagnes que des femmes étalaient le long du chemin, marquant ainsi leur hospitalité et leur joie. Dans un enchaînement continuel, on les enlevait au fur et à mesure qu’on avançait et les replaçait devant. La foule s’ébranla en direction du domicile du chef Tama. Le rassemblement s’arrêta devant sa demeure. Les visages semblaient inondés d’une allégresse infinie. Les tam-tams et les tambours rythmaient. Des femmes chantaient et dansaient. Attirés par ce spectacle sonore, des enfants se trémoussaient alentour, imitant les danseuses comme s’ils se moquaient d’elles. Ils chantaient eux aussi en répétant mécaniquement des mots de chansons dont ils ne comprenaient peut-être pas le sens (p15-16).
Henri définit l’accueil qui était réservé aux maitres de l’école dans le village. Il nous a montré que le bon vivre dans un village est aussi synonyme de l’accueil que l’on vous réserve. Cet accueil est caractérisé par un rituel. Il nous en fait état de la manière suivante : « Et quand, enfin, il eut fini de parler, des applaudissements explosèrent, exprimant le soulagement de l’assistance. Il aspergea du vin de palme les deux extrémités de la façade et en but le fond avec délectation, bénissant ainsi l’arrivée des maîtres, qui annonçait la réouverture de l’école. Tant de prévenance émut les voyageurs. Ils se soumirent au protocole (p.16) ».
Toujours dans l’optique d’attribuer à son œuvre l’identité africaine en général et congolaise en particulier, Henri ne s’est seulement pas arrêté à nous faire découvrir la définition et le rituel d’accueil. Il a aussi nourri notre âme culturelle en définissant l’histoire des mariages dans le milieu rural africain ou congolais.
Dans la tradition Congolaise, le projet de désenclavement et du développement culturelle de l’Etat en milieu rural est source de variation et de diversification culturelle : c’est-à-dire source de développement socioculturelle. L’Auteur nous en parle en mettant au centre l’origine de l’émancipation à travers le mariage. Henri nous décrit comment cette culture fonctionne dans la société rurale congolaise. Il en fait état de la manière suivante : « Comme les autres instituteurs, le directeur était célibataire. Bel homme, allure athlétique. Tout cela faisait rêver les jeunes femmes qui croyaient, enfin, trouver parmi eux les hommes de leur vie. Leur arrivée avait aussi suscité la jalousie des hommes dont les compagnes étaient jeunes et attirantes… Les femmes passaient et repassaient, dans un ballet interminable, devant la table officielle. Les va et vient trahissaient l’excitation qui s’était emparée d’elles et la fièvre qui consumait leurs âmes. Elles espéraient être vues. Ainsi les arrivants allaient ils se trouver parmi elles des dulcinées. Les plus audacieuses s’étaient donné des raisons de s’asseoir tout près de ces hommes extraordinaires (p.18-19).
Il faut aussi noter que l’auteur a montré la place de l’alcool dans l’agir des gens dans ces genres d’activités. C’est pourquoi nous pouvons lire ce qui suit : Elles avaient ingurgité alcool sur alcool pour pouvoir se mesurer entre elles. Elles se levèrent comme si elles en avaient reçu l’ordre, se ruèrent sur les fonctionnaires pour les inviter à danser (p.18-19) ». Ce qui retient notre esprit dans ce paragraphe est surtout la manière dont l’auteur met en lumière l’effet de musique et alcool dans la société Africaine d’un côté et congolaise de l’autre. La Société Africaine est essentiellement musicale et festoyant. C’est ce que l’auteur va nous faire état. Tout se passe à travers la musique qui portera un message d’amour, suivra la danse qui se pratiquera dans une sonorité instrumentale bien rythmée et l’alcool fera la suite : c’est une tradition. Dans le cas de Motuba, l’auteur nous en fait état en ces termes : Tous ceux qui attendaient ce moment prirent d’assaut la piste. Ils bougeaient timidement. Puis l’alcool leur ouvrit les yeux, la musique leur réchauffa les jambes et les reins. Ils se trémoussaient à présent en rivalisant de talent (p.20). En effet, dans la tradition rurale, même une femme analphabète peut se procurer un mari intellectuel grâce à sa beauté ainsi qu’à travers sa capacité d’exhiber la danse. Et cela se produit en fonction du pouvoir attractif de la femme. Tout de même l’auteur nous présente l’histoire de la manière suivante : Niamo aperçut au loin, juste en face de lui, dans le cercle des badauds, une fille. Elle semblait différente des autres. Dans la pénombre, il ne parvenait pas à bien la cadrer. Il voulut s’approcher d’elle. Il se leva machinalement et s’avança vers elle. Les autres convives l’observaient. Il ne s’en rendait pas compte. Lorsque Niamo se trouva devant elle, la fille ne comprenait pas ce qu’il voulait. Prise de peur, elle s’en fuit et disparut dans la profondeur de la nuit. Des éclats de rire fusèrent des rangs de certains invités. Confus, Niamo rebroussa chemin, la tête baissée (p.20).
On sait que la conséquence de la musique est la danse. Pour élucider l’identité de la culture congolaise, Henri ne s’est pas arrêté sur la musique. Il nous fait état des aléas d’une scène de danse dans la société congolaise. C’est pourquoi nous avons souligné la phrase suivante : dans la confusion des rythmes et des danses, les uns écrasaient les orteils des autres (p.21). Le fait que le scénario se produit dans l’espace Congolais d’une part, et le fait de constater l’écrasement des orteils entre les partenaires d’autre part, nous emmènent à deviner que la musique jouée à cette occasion est : la Rumba Congolaise.
Dans le souci de mener à bon escient son travail de présentation de la culture Congolaise, l’auteur nous fait découvrir les batailles auxquelles les prétendants peuvent-ils se livrer. C’est un autre aspect de problème. Tout n’est pas rose dans la vie. L’auteur nous traine vers une réalité à prendre en compte et se comprend de la manière suivante : le fait d’être beau ou belle et d’être apprécié par une prétendante ne suffirait pas pour conclure un mariage dans la société rurale congolaise. En effet, il y aura toujours une forteresse qui se lèverait pour compliquer voir empêcher ou détourner cette volonté d’union. L’auteur fait valoir cette opinion dans le paragraphe suivant : Derrière elles, un homme attifé d’un costume rouge bordeaux, la poitrine bardée de médailles. Un ancien combattant des deux Guerres mondiales sûrement. C’était le chef du village, du nom de Tama, un militaire retraité. Les voyageurs avaient remarqué que partout des anciens militaires étaient placés à la tête des villages, sans doute à cause d’un besoin de dressage et de discipline (p.15). Ici l’auteur nous fait découvrir la taille de la difficulté à surmonter par la présence d’un militaire. Ce qui, culturellement signifierait que la difficulté ne sera pas petite. Par conséquent, pour accomplir cette volonté d’union entre les prétendants ne peut pas être quelque chose de facile.
Sachant que notre auteur est aussi politique chevronné, par un regard quasi croisé sur cette présence d’un chef de village militaire nous pousse à dire que, sur le plan politique, la volonté du placement du Chef Tama à la tête du village est un choix majestueux d’un profil recherché pour diriger. À partir de sa majestueuse sagacité, l’auteur nous pousse à jeter un regard dans la politique de la gestion des différents départements de la République. On remarquerait une vraie similitude. Le profil dont l’auteur nous présenté dans le paragraphe notifié ci-dessus est le plus usité dans la gestion départementale politique du pays dans lequel Henri est originaire. On peut constater que bon nombre des préfets en République du Congo sont des militaires.
Lorsqu’on procède par une lecture de la position de l’auteur sur la culture Congolaise face aux pratiques contraires à ses valeurs, on comprend que l’auteur ne fait pas figurer dans on œuvres les faits de cultures pour juste attribuer à son œuvre les qualités stylistes de l’africanité littéraire. On constate qu’il en fait usage avec esprit fondé plus dans l’optimisme que dans le pessimisme. Pour le comprendre, il faut s’inviter à apprécier les conclusions qu’il donne à problème posé : la Victoire de la tradition et de la culture face à la dictature du Chef Tama. Et ce qui a été l’objet d’une guerre se conclut en ces termes : — Nous te prêtons notre fille jusqu’au jour où tu t’acquitteras de tes devoirs et qu’elle deviendra ta femme. Au moindre manquement de ta part, tu ne la fréquenteras plus (p.87). Il (le patriarche) demanda à Joseph et à Gahi de s’asseoir. Une calebasse de vin de palme pétillant, mousseux, tout blanc, fut posée à leurs pieds. Un gobelet, un grand gobelet, fut offert à Niamo. Il trinqua avec les notabilités et d’autres hôtes (pp87-88).
Les mets furent servis. L’homme du jour ne mangea pas dans l’assiette qui lui était proposée. Il n’utilisa pas de couverts, préféra se servir dans les feuilles de marantacées dans lesquelles les plats avaient été cuits à l’étouffée et utiliser les mains pour dîner(p.88).
Le pessimisme de l’auteur emmène à comprendre que la culture de la volonté du peuple ne mourra pas face à la dictature : elle vaincra. Les conclusions de cette affaire émises par l’auteur sont bien claires : La vie avait repris son cours à Motouba. Tels des papillons éblouis par l’aube nouvelle, Gahi et Niamo s’égayaient dans la nature enchantée. Elle n’avait plus peur, lui non plus. Ils avaient décidé de vivre ensemble, chez lui. Finis les sorties nocturnes et les camouflages honteux. Le monde avait changé, il fallait changer avec lui » (p.67).
Il sied aussi de souligner que parmi les habitudes culturelles, notre auteur n’a pas seulement pensé à la musique, la danse, la spiritualité, la guerre ou la chasse, mais aussi aux habitudes culturelles alimentaires. Sur cette question, nous avons relevé dans l’œuvre de l’auteur ce qui suit : Ces feuilles laissaient un arôme apprécié dans les viandes et les poissons et en amélioraient le goût. Niamo découvrait là les ignames, le gombo, l’ail, des fruits et d’autres produits sauvages, qu’on disait meilleurs que ceux provenant de l’agriculture et de l’élevage. Les vers palmistes et les hannetons étaient un délice (p.88). Par ailleurs, l’auteur le sait que l’Africain fait tout par la musique et avec la musique et une telle fête survenue suite à un défi relevé ne pouvait se célébrer sans la musique. Il le fit remarquer par le paragraphe suivant : Accompagnés des sons de balafons, les tam-tams reprirent avec force leur rythme et réchauffèrent l’ambiance. Les chants dédiés aux chasseurs émérites furent exécutés. La danse fut de la partie. L’alcool de maïs chauffa les esprits. La soirée fut endiablée et s’arrêta à une heure bien tardive. Les soirées étaient toujours à la fête, quand la chasse avait été fructueuse (p.88).
Étant donné que le triomphe d’un conflit, la moisson appréciée, la naissance, la mort, etc. se célèbre toujours avec la musique, nous ne sommes pas surpris de l’auteur qu’il conclut ces moments tumultueux à travers la phrase suivante : Les blèsements et les stridulations se confondaient ou se relayaient dans un ordre et à des moments donnés, formant continuellement un concert musical d’une beauté inouïe (p.93).
Conclusion
Au regard de tout ce qui a été observé dans l’œuvre et notifié ci-dessus, lu avec attention, nous avons noté la présence des faits culturels traditionnels parmi lesquels figure le fait musical, la spiritualité, la danse et sans oublier les habitudes alimentaires. Il nous revient d’élucider le contexte culturel selon lequel l’auteur a fait intervenir d’une part, les pratiques culturelles traditionnelles dans son œuvre en général et d’autre part, le fait musical en particulier. Il sied de dire que l’auteur a fait intervenir les faits culturels traditionnels pour donner structure et forme d’un style romanesque de caractère culturel africain en général et Congolais en particulier. En effet, c’est pour donner à un récit ayant l’air d’une fiction, et pourtant exprimant une réalité mettant en présence des communautés conscientes, leurs différences, façonnées chacune par leur écologie, leur géographie, leur sociologie, leur histoire et leur culture. Sans ambiguïté, l’œuvre a été écrit dans un contexte de la dénonciation « du Pouvoir de l’opposé de la vérité », de « la loi de la force dans la parodie judiciaire » et du déni de culture. Les faits musicaux ont été utilisés dans le contexte de la création de l’œuvre de l’art romanesque pour être teinté du caractère de l’identité culturelle Africaine en générale et Congolaise en particulier.
En effet, dans son cri de dénonciation, l’auteur a dénoncé l’autoritarisme, le populisme, la stratification de la société selon le politique, le déni de la justice et la culture, la méfiance des lumières (p.64). etc. Par ailleurs, l’œuvre Gahi ou L’affaire de l’autochtone de Henri DJOMBO, est une œuvre dénonciatrice du problème du vivre ensemble. L’Auteur lance un cri de dénonciation mais, qui semble être inaudible en raison de l’incrédulité des ceux qui devraient l‘écouter. Et ce dernier a utilisé la culture de l’homme de la forêt face à celle des savanes pour nous montrer la méchanceté et la malveillance de l’homme. Sachant qu’en matière de communication traditionnelle la forêt est une source de propagation des ondes sous l’effet de la réverbération, il sied de prédire que cet effet d’écho aura peut-être, tôt ou tard, un impact sur ceux qui penseraient à se ressaisir. On a noté une dénonciation de toutes les caractéristiques de mauvaises gestions mises en lumière. Et donc le participant à ce colloque peut constater que les hypothèses émises à notre étude se vérifient sans contredit. L’Auteur a dénoncé la mauvaise gestion du pouvoir, en effet, l’instrumentalisation de celui-ci pour le service d’un Chef. C’est pourquoi nous pouvons lire ceci dans ce livre : — Chef, reprit le secrétaire. Personne ne savait que faire face à la cruauté de cet homme qu’en secret les habitants appelaient Lucifer de Motouba. Tous ces crimes ont été favorisés par la peur qu’il répandait dans le village comme un virus qui tétanisait les esprits. C’est pour cette raison qu’aucune autorité administrative n’en a jamais été informée à Impfondo (p.65).
Selon notre compréhension de l’œuvre, l’Auteur a attribué la victoire à la raison : c’est-à-dire à la justice. Cela prouve à suffisance, que tout ce qu’il nous a fait découvrir dans son œuvre était bien un style de dénonciation de la mauvaise façon de considérer et de gérer les Hommes dans la société Congolaise. Il ne s’agit pas d’une fiction mais plutôt d’une réalité que vit le congolais lambda dans sa société. C’est pourquoi nous pouvons lire dans l’œuvre ce qui suit : « Les secrets de Tama étaient jetés dans la rue. On ne les cachait plus, même aux petits enfants. Les commerçants s’en étaient ouverts à l’opinion. La plupart d’entre eux peinaient à refaire surface, le défunt chef les ayant entraînés à la tombe économique (p.63) ».
Quant aux éléments culturels observés, nous avons la chanson, la danse et la libation faite à l’aide du vin traditionnelle. Dans l’œuvre de Henri le chant se définirait comme étant un élément culturel d’expression de joie et de bonheur suite à la décantation d’une situation quelconque et de définition de la qualité d’accueil. La danse comme l’art de l’expression corporelle est utilisée par Henri, pour expliquer le moyen de contact entre un prétendant amoureux vis-à-vis de la femme convoitée ou de la femme prétendante vers l’homme convoité. Par contre la libation, se comprend comme un rituel de reconnaissance d’une part des ancêtres et d’autre part comme un geste du respect de la spiritualité de sa tradition et l’adhésion à celle-ci.
L’ambigüité du message que communique l’œuvre de Henri se situe dans le fait de la dénonciation d’un système politique devenu obsolète en transportant les faits dans une mise en scénario romanesque d’une opposition entre les autochtones et les Bantu. Tandis que dans l’ambivalence, il nous montré qu’à côté de l’intelligence nous devons aussi faire usage du savoir ancestral.
L’œuvre « Gahi ou l’affaire de l’autochtone » est une œuvre engagée dont les africains et les Congolais devraient lire, garder les enseignements pour une meilleurs vision d’un vivre ensemble recherché.